À mon retour au cœur du pays qui m’avait élevée, je constatais rapidement que la vie que j’avais menée il y a 20 ans n’était plus du tout la même.
Les champs étaient envahis par des pesticides et des engrais chimiques. Ils avaient construit au cœur du village une imposante coopérative, sans doute financée par les nouveaux maîtres de l’agriculture. Elle s’imposait à la vue de tous. Elle était présentée comme le temple de l’agriculture moderne. Au début, les puissants aidèrent les paysans pour acquérir des engrais et pesticides. Des miracles eurent lieu, les maïs poussaient plus haut. Mais, quand j’ai voulu remanger les feuilles de pommes de terres que j’aimais bien dans le temps, ce n’était plus possible, car elles étaient bourrées de produits chimiques. Mais, par la suite il y eut de nombreux désenchantements.
La première de mes aides, je la fis avec mon argent personnel. Une amie du lycée qui était à la fois institutrice et paysanne me demanda de l’aider à régler sa facture d’engrais chimique, car elle était dans l’impossibilité de le faire. Le miracle n’avait donc pas lieu. L’agroécologie, l’agriculture à budget zéro marchait très bien en Europe, en Inde et dans de nombreux pays y compris en Afrique, pourquoi ne pas l’appliquer ici ?
Je décidais de faire une expérience grandeur nature. L’ambassade de France décidait de me soutenir. Avec l’association OGENA-Burundi, nous décidâmes de construire une coopérative avec une vingtaine de paysans.
Ils décidèrent de son nom « Ogena, BITAHO » qui voulait dire en kirundi, un endroit où l’on se retrouve pour échanger, apporter et recevoir des connaissances. Un endroit où l’Homme se ressource ». Ici ils pourraient stocker du matériel et des semences, pour vendre des fruits et légumes, car elle est proche du marché. Nous l’utilisons également pour la fabrication et le stockage de produits phytosanitaires biologiques, comme le purin d’orties.
Derrière la coopérative, nous avons une plantation d’orties. Au départ, cette plante avait disparu. Nous ne la trouvions plus ; c’est avec les pygmées que nous avons réussi à la retrouver dans des coins reculés du pays. Nous l’avons acclimatée à nouveau sur la commune de NYARUSANGE.
Après la construction du bâtiment, nous avons acheté une immense parcelle pour en faire un jardin-école où les paysans se relaient pour le cultiver collectivement. Sous l’autorité d’un ingénieur agronome formé en Afrique, mais que nous avions préalablement initié aux théories de l’agroécologie, ils se sont instruits mutuellement.
Puis pour faire de l’engrais organique, chaque paysan a reçu une vache, au total 21 vaches pour 21 familles. Les paysans étaient heureux de recevoir des vaches, car dans la tradition burundaise, la vache est un signe de richesse.
Ceci s’est traduit par la danse qu’ils ont fait pour nous remercier et qui émut jusqu’aux larmes le président de l’ONG qui nous soutenait avec l’Ambassade de France. S’ils dansent avec les bras levés, c’est pour symboliser les cornes de l’animal.
Avec ce bétail, Ogena-Burundi a instauré la technique des chaînes de solidarités. C’est-à-dire à la naissance d’un premier veau, le paysan le donne à un autre paysan qui ne faisait pas partie de la coopérative. Grâce à cette technique, la coopérative a doublé son effectif.
La mise en place de l’ensemble a eu de nombreuses répercussions positives tant sur le plan humain, économique, social, et la santé de la population cible.
- Les paysans ont développé un esprit d’équipe et de curiosité positive.
- L’agroécologie leur a permis d’être des Hommes respectueux du sol, de la santé humaine et de la biodiversité.
- Les vaches que nous avions amenées permirent aux paysans d’avoir du fumier organique. Puis, grâce à de nouvelles techniques et un apport de semences, la production agricole a été multipliée par deux. Ceci leur a permis de monter à côté de la coopérative une boutique pour vendre les produits de première nécessité.
- Le lait de vache a servi à la fabrication du beurre suivant les méthodes traditionnelles.
A sa main droite le beurre, avec la gauche elle tient une courge vidée avec laquelle elle fabrique le beurre en la secouant fortement.
Ce modèle de coopérative qui a été une réussite, nous voulons non seulement l’améliorer, mais le reproduire aussi sur d’autres communes.