Le temps de l’Homme.

Le temps de la terre.

Il y a encore peu, nous vivions au temps des saisons. Elles étaient notre horloge. Dieu lentement nous offrait des secondes.Patiemment, nous attendions la fin de l’hiver. Puis, lentement, nous abandonnions les frimas pour de nouveaux printemps avec ses fleurs, ses fruits, et la rosée du matin. Tout cela était une immense source de bonheur. Puis, nous retrouvions le soleil, sa chaleur et la main qui cueille les fruits de l’été. Nous vivions au rythme de la nature. Ces battements de l’origine donnent toujours vie à nos cœurs.  Pour toujours, ils sont ancrés en nous. Rien n’est plus beau que de vivre pleinement au cœur de ce temps renouvelé. Apprécions la chaleur de l’été, les frimas de l’hiver comme les pluies printanières et les couleurs de l’automne. Le bonheur n’est pas constant, lui aussi doit battre au rythme de l’invisible. Chaque saison avait ses rites, et ses lenteurs. Les usages comme les idées semblaient ancrés au quai du toujours. Beaucoup devinrent sacrées, nous chassions les peurs en les ancrant dans la foi, les traditions, le respect des choses et des Hommes de valeur, tout cela semblait nous protéger. Elles étaient nos repères qui nous unissaient à nos aïeux que nous gardions près de nous. La lenteur allongeait nos vies. Nous prenions le temps de saluer le jour qui se lève.

Nous ne recherchions pas le sens de nos vies, nous vivions au milieu du sens. Le temps de la terre était la vie.

Puis arriva le temps de l’Homme

Ce temps a démarré sensiblement avec la révolution industrielle vers le 18e siècle. C’est ici qu’il poussa à son extrême la pensée d’analyses, de nouveaux savoirs, l’atomisation des compétences.

Notre quotidien découvrait la vitesse, la nouveauté, l’impatience, l’impertinence, les spécialistes, les experts en experts…

Dans un premier temps il effaça les saisons. Au cœur des tours sans fenêtre, 22° était la température moyenne des saisons de l’Homme.

Puis il s’attaqua au temps. Il décréta qu’une heure n’était que 3600 secondes. Depuis les heures ne passent pas moins vite. L’Homme, ce mammifère très organisé voulut programmer, planifier ses heures et tout contrôler. Depuis, il sait quel jour de l’année ouvrira le temps du bonheur. C’est vers le mois d’août en général et toutes les 35000 heures pour les championnats du monde de foot…

Béat, l’Homme admirait ce qu’il était devenu. Parfois il se prenait pour Dieu. Il maitrisait le temps les saisons et tellement de choses. Comme il n’arrivait pas encore à vaincre la mort, il décida de l’ignorer avec les enterrements discrets et anonymes pour les pauvres et la démesure pour les célèbres ; ainsi ils croyaient être éternels. Les progrès de l’Homme étaient fulgurants comme les sciences et la technologie.

Mais, comme ils n’arrivaient pas à éradiquer la pauvreté alors ils inventèrent les statistiques pour mieux mentir et cacher les 800 millions de leurs semblables qui souffraient encore de la faim dans un monde de gaspillage. Mais qu’importe, demain nous règlerons tout cela, dussions-nous faire encore un peu plus la guerre ; c’est ce qui arriva, elles furent plus grandes, plus grandioses que jamais. Puis, pour oublier les débordements, on rappelait que nous avions vaincu aussi la douleur physique.  Cependant, les savants piétinaient sur les douleurs de l’âme.

Alors, les Hommes, en quittant le temps de la Terre, s’éloignèrent de plus en plus de la nature. Fièrement, ils avançaient vers nulle part. Les bannières du sacré, piteusement s’abaissaient. En tête de cette horde de l’oubli flottaient les étendards de la confusion.

La vie était devenue cette autre réalité, nous étions entrés dans le temps de l’Homme.